Lecture d'un commentaire (1799)


Ac 4,12

Commentaire: il n’y a pas d’autre nom Le salut ne se trouve en aucun autre. On peut se demander ce que Pierre entend par salut. Dieu s’était toujours manifesté comme l’unique Sauveur de son peuple et le seul Nom par qui les hommes devaient être sauvés. Mais maintenant, comme Pierre le proclame, toute l’œuvre de Dieu en Israël passera par ce Messie déjà installé à sa droite (Psaume 110(109)). Le salut qui ne se trouve en aucun autre, c’est d’abord la “délivrance d’Israël” ( Luc 2.25) que bien des auditeurs de Pierre attendent. Et Pierre n’hésite pas à promettre des temps meilleurs ( 3.20). Mais les prophètes n’ont jamais séparé le salut d’Israël d’un renouveau intérieur des croyants. Et les apôtres vont tout de suite mettre l’accent sur ce salut apporté à ceux qui croient ; on ne parle pas de chrétiens mais de “sauvés” ( 2.47). Nul doute qu’ils avaient conscience d’être sauvés, et ils le découvraient dans leur vie quotidienne. Mais cela pouvait-il durer ? Dans l’enthousiasme du premier moment, celui qui a cru se sent renouvelé et a l’impression que ses problèmes ont été résolus. Plus simplement, comme disent bien des personnes : “Hier cela me paralysait, aujourd’hui je ne m’en fais plus un monde”. La présence d’une personne aimée qui devient le centre de notre existence suffit pour nous redonner vie : Jésus était aimé. Et ne parlons pas du don de l’Esprit. Ils n’auraient jamais pensé à renier le passé d’Israël, la révélation faite aux prophètes, les ressources et la foi de la communauté juive, laquelle avait produit des apôtres et des martyrs, sans compter une multitude de justes humbles et anonymes. Ils se voulaient fidèles à la Loi ( Deutéronome 30.10 ; Isaïe 51.7 ; 1Maccabées 1.57 ; Psaume 1.2) et à l’Alliance (1Maccabées 2.20 ; Psaume 78(77).37), et c’était là une façon de vivre la foi, comme le montre le grand chapitre 11 de la lettre aux Hébreux. Mais ce n’est pas la même chose de croire en Dieu à partir des interventions de sa Providence, ou bien de croire en l’alliance de Dieu avec Israël, écrite dans l’histoire comme dans l’Écriture ; ou bien de recevoir Jésus comme le Fils unique, Dieu incarné venu parmi nous pour partager notre condition. Cet événement unique est plus puissant qu’aucune autre révélation pour amener le cœur humain à la confiance en Dieu Père, et à l’humilité et l’amour vrai, à l’exemple de Jésus. Donc, avec Jésus, la foi avait acquis une dimension nouvelle. C’est ainsi que les lettres de Paul ne parlent pas seulement de la foi au Christ ( Actes 20.21 ; Galates 2.16…) mais de la foi du Christ, c’est-à-dire propre des chrétiens, qui s’appuie sur le Christ, qui est selon le Christ ( Actes 3.16 ; Romains 3.22 ; Philippiens 3.9…). Que la foi du Christ ait transformé le panorama psychologique et spirituel du croyant, nous en avons la preuve dans le don de l’Esprit qui accompagnait le baptême. Il n’y avait pas là seulement un charisme, une faveur sensible destinée à récompenser le croyant : un monde nouveau lui était ouvert et s’était ouvert en lui. Ce salut personnel, qui tiendra vite la première place dans l’Église, c’est un renouveau en profondeur de l’âme croyante. Il y a d’abord un pardon des péchés. Car Jésus a mis le péché à découvert comme on ne l’avait pas fait avant lui : il suffit de lire le Sermon sur la Montagne. Le péché, c’est aussi pour certains des auditeurs de Pierre, le fait d’avoir approuvé la condamnation de Jésus, et pour tous les autres, d’avoir fait la sourde oreille à ses appels. Mais maintenant Dieu offrait une réconciliation beaucoup plus profonde que celles du passé, essentiellement parce qu’il avait découvert son immense amour et sa puissance de pardon, par la croix de Jésus. Même si les premiers croyants ne savaient pas encore bien exprimer leur foi en ce Fils de Dieu, ils étaient conscients d’avoir tout gagné : ils étaient, pour reprendre le langage des prophètes, le “reste d’Israël” et les “sauvés de Sion” ( Isaïe 4.3). Donc, lorsque Pierre dit que celui qui croit est sauvé, il ne s’agit pas d’abord d’échapper à une condamnation ou à une apocalypse imminente ( Actes 2.21) comme on l’a pensé durant les premières années de l’Église (1Thessaloniciens 5.1-4 ; 2Thessaloniciens 1.6). Le salut, c’est une plénitude. Les sauvés sont devenus partie prenante d’un peuple élu ; ils sont à la fois bénéficiaires et coopérateurs du mystère de salut que Dieu mène à bien au cœur de l’histoire humaine. Et, lorsqu’ils regardent autour d’eux, il leur paraît sans aucun doute possible que ce salut est propre à ceux qui ont cru au Christ et sont entrés dans l’Église par le baptême. Lorsque Pierre dit, non seulement pour Israël, mais pour tous les peuples : Aucun autre Nom sous le ciel n’a été donné aux hommes, il ne limite pas l’œuvre de salut à quelques-uns qui ont cru, il n’exclut pas le travail de Dieu dans cette grande part de l’humanité qui ne connaîtra pas le Christ. Il parle pour ceux qu’il a devant lui, peuple choisi par Dieu pour porter ses mystères. Et il ne dit pas non plus que ceux qui ne croient pas seront condamnés, mais qu’ils perdent ce salut qui était le grand don de Dieu.


Source: Bible des peuples